LA LAÏCITÉ ET L'ENTREPRISE
En France, les convictions religieuses sont un sujet sensible et intime auquel le monde de l’entreprise n’est pas imperméable, et le fait religieux peut concerner ou impacter de nombreux acteurs en son sein : ressources humaines, management, pôle diversité, pôle juridique, responsabilité sociétale de l’entreprise, qualité de vie au travail, etc. Afin d’accompagner les entreprises dans leur gestion de la diversité religieuse, des solutions existent.
Comment faire de la diversité religieuse un atout pour l’entreprise ?
La pire des solutions pour une entreprise est de ne pas prendre de position officielle et homogène, et les risques peuvent être majeurs : discriminations, contentieux, problèmes de sécurité et d’organisation, inégalités dans les réponses managériales, bruit médiatique et mise à mal de l’image employeur.
En outre, l’absence d’une prise de position claire dans l’entreprise risque de renforcer le sentiment de solitude des managers : 60% d’entre eux regrettent ainsi de ne pas bénéficier du soutien nécessaire pour traiter ces questions (étude OFRE 2019). Les entreprises doivent donc les outiller comme elles le font sur d’autres sujets.
Concrètement, que peuvent faire les entreprises ?
Il faut tout d’abord dépassionner le sujet et traiter le fait religieux comme n’importe quel autre critère de diversité. Aujourd’hui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le droit encadre déjà la très grande majorité des situations.
En revanche, des marges de manoeuvre sont laissées aux entreprises sur certains points, et c’est là qu’elles peuvent se faire accompagner pour se positionner. Certains domaines sont laissés au libre choix des entreprises : pratique de la prière sur le lieu de travail, offre de restauration diversifiée, organisation du temps de travail, etc.
La méthode pour gérer le fait religieux en entreprise est simple : commencer par un audit des pratiques de l’entreprise et des problématiques qu’elle rencontre (parfois sans être connues des DRH), adopter une position managériale claire et concertée pour anticiper et répondre aux différentes interrogations, faire connaître cette position en interne (guide, charte, formations, etc.) et ainsi (re)créer de la cohésion.
Les six critères de restriction prévus par la loi
Trois premiers critères visent la protection des individus :
- Les salariés doivent respecter les conditions d’hygiène et de santé : nul ne peut se prévaloir de sa religion pour refuser la visite médicale annuelle, par exemple.
- Ils doivent aussi se conformer aux conditions de sécurité : ainsi, un salarié ne peut pas refuser de porter un casque de protection pour des raisons religieuses.
- D’autre part, le prosélytisme abusif est prohibé, mais attention : le fait de parler de sa religion à ses collègues relève du simple prosélytisme, qui est autorisé dans les entreprises privées. En effet, une personne est libre de parler de sa religion avec zèle, comme de ses opinions politiques ou philosophiques. Cependant, si l’employé concerné impose une contrainte à ses collègues, cela constitue un prosélytisme abusif, qui est interdit.
Trois autres critères se rapportent à la bonne marche de l’entreprise :
- Les salariés doivent respecter les missions de leur contrat de travail : ils ne peuvent se prévaloir de leur religion pour refuser d’exécuter certaines tâches.
- De plus, le bon fonctionnement de l’entreprise reste prioritaire : ainsi, un employé ne peut pas s’absenter pour une fête religieuse sans avoir demandé un congé au préalable.
- Enfin, l’entreprise doit pouvoir protéger ses intérêts économiques et son image de marque, si besoin en recourant à une clause de neutralité. Une entreprise peut donc interdire les signes religieux, mais seulement sous certaines conditions strictes (contact avec la clientèle, obligation de reclassement, inscription au RI, etc.).
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, traiter de ce sujet ne créera jamais plus de tensions ou n’ouvrira pas une « boite de Pandore ». Au contraire, c’est en posant un cadre qui rappelle autant ce qui est autorisé que ce qui ne l’est pas, que les futures demandes seront reçues avec sérénité et qu’une réponse unifiée pourra être apportée, dans le respect des droits des salariés et des impératifs de bon fonctionnement de l’entreprise.