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Pourquoi ce sujet a-t-il ressurgi ?

Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a été interrogé à ce sujet sur RTL dimanche 10 décembre 2017 (11’30). Il a répondu :

« Mon approche personnelle, c’est que toute personne qui accompagne les élèves est en situation d’être ce qu’on appelle un collaborateur bénévole du service public (…) qui doit se conformer à un certain nombre de devoirs. C’est ma position. Maintenant je respecte le droit, bien entendu, et il y a un état de la jurisprudence qui doit être consacré ».

Deux jours plus tard, une tribune de Fatiha Boudjahlat, enseignante et cofondatrice du mouvement Viv(r)e la République, parue dans Le Figaro, exhortait le ministre à « agir pour la laïcité », en l’enjoignant à imposer la neutralité aux accompagnateurs et accompagnatrices de sorties scolaires. Dans ce texte, l’auteure affirme qu’il existe déjà des outils juridiques dont s’emparer pour faire appliquer ce principe, notamment une circulaire ministérielle de rentrée de 2012 signée par le ministre de l’époque Luc Chatel. Dans cette tribune, Fatiha Boudjahlat s’en prend assez clairement à l’Observatoire de la laïcité qu’elle accuse d’« erreurs de jugements » et de « parti-pris accommodants ». De son côté, le rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, Nicolas Cadène, pointe des « erreurs de droit » dans ladite tribune : une circulaire interprétative ne créée pas de droit, et cette circulaire de rentrée ne valait que pour l’année scolaire, certaines jurisprudence citées concernaient l’étranger et n’étaient pas applicables en France.

Que dit le droit ?

La circulaire Chatel de 2012 prônait effectivement la neutralité des accompagnants scolaires. Le Défenseur des droits a demandé un avis sur ce sujet au Conseil d’État, la plus haute juridiction de l’ordre administratif, en 2013. Il s’agissait de définir plus précisément le statut de ces parents accompagnants : sont-ils assimilables à des agents du service public et doivent-ils, de ce fait, avoir la même obligation de neutralité ? Ils ne reçoivent pas de rémunération, mais sont couverts par les assurances de l’école. Pour les conseillers d’État, ces parents ne sont ni des agents ni des collaborateurs du service public, ils sont de simples usagers et, à ce titre, ils ne sont pas soumis au principe de neutralité religieuse. Cependant, le Conseil d’État précise que les autorités compétentes peuvent demander aux parents de s’abstenir de manifester leur appartenance religieuse lors des sorties scolaires lorsque le bon fonctionnement du service public pouvait être perturbé.

C’est donc un « oui mais » qui a été pris en compte par le ministère de l’Éducation nationale fin 2014 et inscrit dans les livrets laïcité distribués aux chefs d’établissement. La jurisprudence confirme cet avis et cette orientation du ministère dans un jugement du tribunal administratif de Nice, en juin 2015. Les juges y rappellent que seuls le trouble à l’ordre public et le bon fonctionnement du service public peuvent justifier des restrictions à la liberté de manifester ses convictions.

Et ensuite ? De nouvelles voix se sont élevées pour affirmer que « c’est à la loi de trancher, pas au Conseil d’Etat » : en clair, certains demandent de légiférer à nouveau parce que le droit applicable rappelé par le Conseil d’État ne va pas assez loin selon eux.


Pour aller plus loin :

Article initialement publié dans la lettre LaïCités
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