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  • Gilles Kepel : pour ce politologue spécialiste du monde arabe, professeur à Sciences Po et à l’École normale supérieure, les discours salafistes constituent l’arrière-plan culturel des terroristes djihadistes. Ces lectures intégristes touchent les jeunes désœuvrés ou faciles à manipuler par le biais d’Internet ou de prêches tenus dans des mosquées radicalisées.
  • Olivier Roy : pour ce philosophe, spécialiste au départ de l’Afghanistan et du monde iranien, le djihadisme est avant tout une révolte nihiliste. Elle ne prend les couleurs de la religion que par opportunisme :

    « Il ne s’agit pas de la radicalisation de l’islam, mais de l’islamisation de la radicalité », martèle ce professeur à l’Institut universitaire européen de Florence (Italie).

    Il ne place donc pas la religion au cœur du processus de radicalisation.

  • François Burgat : cet islamologue, directeur de recherches au CNRS à Aix-en-Provence, analyse que l’islamisme contemporain est directement lié aux effets du colonialisme. Le djihadisme s’appuierait donc sur une vision anti-impérialiste, très critique des interventions occidentales au Proche et au Moyen-Orient.
  • Fethi Benslama : ce psychanalyste se penche sur les causes psychologiques de la radicalisation. Selon cet expert, le terrorisme djihadiste séduit pour diverses raisons : il donne une impression de toute-puissance à des jeunes sans perspectives ; il offre une possibilité de rédemption rapide après des années de « péché » ; il constitue une forme de purification par rapport à la décadence de l’Occident laïque.

D’autre part, des acteurs de terrain, comme Dounia Bouzar, présidente du CPDSI (Centre de Prévention contre les Dérives Sectaires liées à l’Islam), ont assez tôt pointé l’embrigadement de jeunes issus de tous les milieux et tous les niveaux d’éducation par des recruteurs de Daech. Si ses travaux et l’efficacité des méthodes de désembrigadement sont désormais controversés, ils ont longtemps été pionniers et soutenus financièrement par le gouvernement.

Chacune de ces analyses est cohérente avec une partie du discours des djihadistes, soulignent les chercheurs Bilel Ainine et Xavier Crettiez. Ces spécialistes ont interrogé des dizaines de radicalisés emprisonnés et retranscrit leurs entretiens dans l’ouvrage Soldats de Dieu, Paroles de djihadistes incarcérés (Fondation Jean Jaurès-L’Aube, 2017).

On retrouve aussi certains de ces éléments dans le récit de Laura Passoni, repentie belge partie en Syrie en 2014 et revenue quelques mois plus tard. Elle explique en détail et avec des mots simples sa volonté d’être pure, de se laver de ses péchés, de chercher un moyen d’offrir une place au paradis avec elle à ses parents non-musulmans, sa terreur de l’Enfer. Elle a coécrit un livre avec le professeur de religion islamique Hicham Abdel Gawad qui commente les mythes et éléments « religieux » mobilisés par les recruteurs de Daech. Pour lutter contre la radicalisation des jeunes, Hicham Abdel Gawad appelle d’une part à une lecture contextualisée du Coran (un texte écrit au VIIe siècle en Arabie), et d’autre part à introduire de la complexité dans le système de pensée des jeunes en les interrogeant sur leurs conceptions. Cet ouvrage accessible permet notamment de bien comprendre certaines références théologiques mobilisés très fréquemment par les djihadistes, mais aussi la différence entre le Coran et les hadiths – paroles et gestes du Prophète rapportés par ses proches, écrits autour du IXe siècle, et donc dans un contexte tout à fait différent.


Pour aller plus loin :

Article initialement publié dans la lettre LaïCités
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